L’essor de chaque nation est essentiellement tributaire de la performance de son système d’enseignement. Voilà pourquoi, les pays modernes œuvrent d’arrache-pied à relever la qualité de leur éducation.

Tout au long des deux dernières décennies, le Maroc a entrepris une série de réformes de son système éducatif. Aussi a-t-il pu réaliser des progrès incontestables dans ce domaine.

Des acquis enregistrés, oui mais…

Ainsi peut-on lire, dans le résumé de la vision stratégique de la réforme 2015-2030 élaborée par le Conseil Supérieur de l’Education, de la Formation et de la Recherche Scientifique, un passage très édifiant à cet égard: ” L’École marocaine a réalisé des acquis qu’il y a lieu de capitaliser et de faire évoluer. On peut mentionner, en particulier, l’actualisation du cadre juridique et institutionnel, les progrès réalisés dans la généralisation de la scolarisation, la mise en place des structures institutionnelles d’une gouvernance décentralisée, avec le développement des académies régionales et une autonomie relative des universités. On peut retenir également la révision des curricula et des programmes scolaires, la restructuration pédagogique de l’enseignement supérieur, l’intégration de l’enseignement de la langue et de la culture amazighes, la réorganisation des filières et l’élargissement progressif des capacités d’accueil de la formation professionnelle, ainsi que le projet de réhabilitation de l’enseignement traditionnel.”

Ceci dit, et pour ne pas verser dans un discours lénifiant, il y a lieu de dire qu’un tas de défaillances persistent encore dans le système éducatif marocain. La situations de nos écoles ne s’est pas améliorée au cours des 10-15 dernières années. Loin s’en faut !

Ecoles en piteux état, enseignants mal payés,…

La plupart des établissements scolaires ne sont pas suffisamment équipées, quand elles ne sont pas du tout équipées. Le niveau des apprenants dans les diverses disciplines ne cesse de se dégrader. Le décrochage scolaire est une réalité de nos jours au pays. Les conditions où l’enseignant marocain exerce son métier, surtout dans le secteur public, restent des plus déplorables au monde. Il est souvent sous payé, bafoué dans ses droits les plus élémentaires, dont notamment le droit à la grève. Les multiples prélèvements sur les salaires subis dernièrement par les enseignants grévistes en témoignent.

Un curriculum révisé pour booster l’enseignement du français

Basée sur une consultation des divers acteurs et partenaires (enseignants, parents d’élèves, inspecteurs, directeurs d’établissements, etc.), mais aussi sur une panoplie d’études réalisées au Maroc et ailleurs, la vision stratégique, citée au début de ce papier, a pour objectif, entre autres, de répondre aux questions épineuses concernant les différentes matières notamment les langues étrangères, le français en premier lieu, dont l’enseignement accuse un retard notable surtout au niveau du primaire. D’où la mise en place d’un curriculum révisé touchant les quatre premières années de ce cycle fondamental.

En tant que professeur de français à l’école primaire, je vais me borner à dresser un état des lieux de cette langue au premier cycle de l’enseignement.

Agir autrement

Intitulé “Agir autrement pour améliorer l’enseignement/apprentissage du français”, l’ultime projet conçu par le département de M. Belmokhtar ne vise pas à bouleverser le système en place en substituant les anciennes méthodes et approches par d’autres, mais plutôt à y introduire de nouvelles actions susceptibles de résoudre les problématiques pédagogiques les plus courantes, comme il est bien précisé dans la première partie du nouveau guide pédagogique destiné aux enseignants du français à l’école primaire.

Allégement des contenus et recentrage du processus de l’enseignement/apprentissage sur l’apprenant

La première de ces actions concerne le principe d’allégement et de simplification du contenu des manuels scolaires qu’on va mettre entre les mains des élèves à partir de la prochaine année scolaire. Les concepteurs de programmes scolaires ont, paraît-il, opté pour des textes simples et pratiques élaborés par des inspecteurs et des profs chevronnés, et ce au détriment de ce qu’on appelle les ” textes savants” ou les “textes authentiques”, c’est-à-dire des textes extraits d’œuvres d’auteurs connus et reconnus dont le style est souvent jugé très rebutant pour l’élève marocain. Autre principe non moins important est celui du recentrage de l’apprentissage sur l’apprenant. Et partant, l’école est appelé, d’une part, à présenter aux apprenants des thèmes proches de leur vécu et de leur entourage immédiat, et, d’autre part, à avancer aux rythmes de l’ensemble d’eux, car l’espace de la classe abrite, comme chacun sait, un monde hétérogène. Y cohabitent, en effet, le doué, le moins doué, le timide, l’assidu et l’inactif.

La réforme en profondeur de tout système éducatif doit s’axer sur les hommes de terrain, à savoir les enseignants et les inspecteurs. Ceux-ci doivent être largement consultés, selon un plan de travail bien précis, avant que le ministère de tutelle n’entame quoi que ce soit. En plus, un renforcement progressif de la formation initiale et continue des enseignants s’avère d’une extrême importance. Sinon tout projet de ce genre est voué tout simplement à l’échec. A bon entendeur, salut !

Mohamed Ali Elhairech, professeur de français (Assa-Zag, Maroc)